Numismatique Romaine

Histoire du denier

Denier argent République Rome
Dernière mise à jour le 1 juin 2023

Le denier affiche une longévité record : cette monnaie apparue dans l’antiquité est encore aujourd’hui l’unité monétaire de nombreux pays, au Moyen Orient notamment. C’est aux romains que nous devons sa création, puisqu’ilsl’introduisent au IIème siècle avant Jésus Christ.

Les premières monnaies des romains

Les premières unités de compte, utilisées par les romains pour leurs échanges économiques qui prenaient la forme de lingots de bronze. Elles étaient désignées comme Aes signatum (“bronze frappé”). Pesant 1,5kg et de forme rectangulaire, ils étaient marqués par des symobles de différents types, et notamment des animaux. De nouvelles monnaies leur ont succédé par la suite, rondes cette fois, toujours de bronze mais plus petites et coulées : les aes grave (“bronze lourd”).

Didrachmes et quadrigatus

Les romains, qui ne sont pas les inventeurs de la monnaie mais affichent un certain retard dans ce domaine, notamment vis à vis de leurs voisins grecs, s’inspirent de ceux-ci pour créer leurs premières monnaies d’argent. Des didrachmes. Ces belles monnaies affichent sur leur revers ou leurs avers de beaux portraits de divinités, ou des symboles de Rome, comme la louve allaitant les jumeaux. La légende Roma figure en bonne place sur nombre d’entre elles.
Ces monnaies d’argent facilitent les échanges avec les cités du sud de l’Italie qui sont arrachées à la grande Grèce ou au monde punique avec lequel Rome entre en guerre.

C’est d’ailleurs en 255 que naît une très belle monnaie d’argent, le quadrigatus. Cette monnaie de près de 7 grammes affiche sur l’avers un portrait de Janus, dieu aux deux visages. L’avers est orné d’un magnifique quadrige, un char tiré par un attelage de quatre chevaux et conduit par Jupiter, brandissant deux de ses attributs classiques, la foudre et le sceptre.

Un quadrigatus, orné d'un magnifique portrait du dieu Janus à l'avers. [© BNF]

Un quadrigatus, orné d’un magnifique portrait du dieu Janus à l’avers. [© BNF]

Le quadrigatus ne sera frappé que pendant quelques décennies. Il est remplacé par une série de monnaies en argent de poids plus faible. Elles apparaissent dans le cadre de la seconde guerre punique, avec le besoin de financer d’importantes campagnes militaires. C’est dans ces conditions que le victoriatus voit le jour. Calibrée de façon à faciliter les échanges avec les cités du sud, cette monnaie pèse 3,35 grammes. Le portrait de Jupiter figure sur l’avers. Au revers, une victoire ailée dépose une couronne sur un trophée militaire.

Naissance du denier républicain

Le denier est créé entre 211 et 214 avant Jésus Christ. S’il pèse originellement 4,5 grammes, son poids diminue progressivement pour se stabiliser à 3,9 grammes, un poids qu’il conservera jusqu’à la fin de la République. Durant les premiers temps de son existence, le denier affiche invariablement au revers les traits d’une femme casquée personnifiant Rome. Un X indique la valeur faciale du denier, qui vaut dix fois l’unité monétaire de référence, l’as.

Au revers, figurent les Dioscures :Castor et Pollux, des jumeaux légendaires. Protecteurs des romains, les deux cavaliers seraient apparus au secours de ceux-ci lors de la bataille décisive du Lac de Régille, au cours de laquelle les romains se débarassèrent de leur ancien roi, Tarquin le Superbe. Sur le denier, les deux cavaliers, armés d’une lance et jouxtés d’une paire d’étoiles, surplombent la légende Roma.

Le denier romain, dans sa forme classique des origines, vers -214/-211 avant Jésus Christ. Rome personnifiée sous les traits d'une femme casquée à l'avers, accaompagnée de la marque X. Les dioscures chevauchant à droite, au revers. [© BNF]

Le denier romain, dans sa forme classique des origines, vers -214/-211 avant Jésus Christ. Rome personnifiée sous les traits d’une femme casquée à l’avers, accaompagnée de la marque X. Les dioscures chevauchant à droite, au revers. [© BNF]

Les subdivisions du denier sont le quinaire, qui vaut cinq as, et le sesterce, qui vaut deux as et demi. Tous deux sont frappés avec les mêmes types d’avers et de revers (Rome personnifiée et les dioscures), mais la marque indiquant la valeur faciale change : le quinaire est marqué d’un V, le sesterce d’un IIS.

Avec la victoire définitive des romains sur Carthage, le dernier s’impose partout pour devenir la monnaie la plus utilisée dans le bassin méditérannéen, où Rome assoit désormais sa domination.

Le denier comme outil de propagande

Au cours du IIème siècle avant notre ère, le denier connaît d’importantes évolutions. La frappe de la monnaie est alors confiée à trois magistrats, les tresviri monetales. Ces hommes, qui cherchent à gravir les échelons de la magistrature, vont profiter de leur position pour utiliser le denier comme un outil de propagande. Dans un premier temps, ils introduisent des symboles ou des initiales qui sont autant de références à leur patronyme. Puis apparaissent de nouveaux types de revers, qui remplacent peu à peu les dioscures. Les divinités conduisant des chars tirés par des attelages de deux ou quatres chevaux se font de plus en plus présentes.

Vers la fin du IIème siècle, le revers n’est plus nécessairement consacré à la représentation de divinités. Des scènes variées, qu’elles soient historiques, de vie civique ou religieuses, mais aussi des objets ou des lieux, y figurent désormais. Le plus souvent pour faire allusion à la famille glorieuse des tresviri monetales, qui cherchent à dorer leur blason et à se rendre populaires.

Le denier de César

L’avers lui-même ne porte plus systématiquement la personnification de Rome sous forme de femme casquée. Les visages des innombrables divinités romaines peuvent maintenant être frappés sur le revers des deniers. Tout comme le portrait d’importantes figures politiques du passé, quand les magistrats jugent bon de rappeler leur ascendance glorieuse.

Jamais toutefois les magistrats n’apparaissent directement sur les monnaies dont ils contrôlent la frappe. Se faire représenter de son vivant sur la monnaie est encore inconcevable, à cette époque. César va toutefois briser ce tabou et devenir le premier à faire frapper son portrait sur des monnaies. Une fois l’interdiction levée, les grandes figures de Rome s’empressent de lui emboîter le pas. Ses assassins eux-mêmes, qui prétendaient vouloir restaurer la République, utilisent ainsi leur portrait sur les monnaies qu’ils font frapper.

Réforme monétaire sous Auguste

Le premier siècle avant Jésus Christ voit d’importants changements, au premier rang desquels la fin de la République et l’avènement du Principat, avec la montée en puissance d’Auguste. Le premier empereur romain procède à une refonte du système monétaire, basé non plus sur l’as mais sur le sesterce. Ce système monétaire continue à s ‘appuyer sur des monnaies de l’or, d’argent et de bronze. Le denier y tient toujours une bonne place. Seulement l’avers est cette fois consacrée à Auguste et aux membres de la famille impériale. Le revers quant à lui souligne les qualités et vertus de l’empereur, poursuivant un rôle de propagande assumé.

La monnaie d’argent restera quasiment inchangée jusqu’à la fin de la dynastie Julio-Claudienne. Ce n’est que sous Néron, dernier empereur de la lignée, que son poids est revu et diminué à 3,40g contre 3,80g auparavant.

Un revers frappé sous Néron. Au revers, un <a href=

Apogée et déclin du denier romain

Au second siècle après Jésus Christ, alors que l’empire connaît son âge d’or, sous la dynastie des antonins, le poids du denier reste stable. Du moins jusqu’à Commode, le dernier de sa lignée, qui révise lui aussi le poids à la baisse. Alors que la succession du fils de Marc Aurèle est quelque peu chaotique et que l’empire commence, lentement mais sûrement, à battre de l’aile, épuisant les trésors amassés au fil des conquêtes lors des siècles précédents, le denier entame lui aussi son déclin.

Sous les Sévères, il connaît une importante dépréciation, sa teneur en argent baissant brutalement. Caracalla introduit par ailleurs une nouvelle monnaie d’argent censée le remplacer : l’antoninien. Celui-ci vaut officiellement deux deniers mais ne pèse pourtant que 5 grammes, soit une fois et demie le poids d’un denier. Cette astuce grossière permet de renflouer momentanément les caisses de l’empire. Sur l’avers, l’empereur apparaît coiffé d’une couronne radiée. L’antoninien peine à se faire adopter, le denier reste encore longtemps privilégié pour les échanges commerciaux.

Un antoninien de Caracalla. L'empereur porte une couronne radiée. [© American Numismatic Society]

Un antoninien de Caracalla. Sur ce type de monnaie, l’empereur porte systématiquement une couronne radiée. [© American Numismatic Society]

Le denier définitivement éclipsé

L’empire connaît une nouvelle réforme monétaire au IIIème siècle, introduite par Dioclétien, l’empereur qui institue la Tétrarchie. Deux nouvelles monnaies sont créées : le follis et l’argenteus. La première est faite de bronze mêlé à une faible quantité d’argent. La seconde, composée d’argent fin, affiche un diamètre de 18 mm pour un poids de 3,4 grammes, ce qui correspond assez bien au denier tel qu’il circulait sous Néron.

A la fin du IIIème siècle, follis et argenteus ont définitivement éclipsé le denier romain, qui quitte la scène après cinq siècles de bons et loyaux services durant lesquels il aura accompagné la domination de l’empire romain sur le monde antique. La monnaie d’argent aura, tout au long de la course de l’empire, du temps des conquêtes à celui des crises, reflété l’état de santé de celui-ci.

Le denier aura profondément et durablement marqué la mémoire collective. Le terme reste en usage pour désigner de multiples unités monétaires à travers les âges. Ainsi, il inspire plus tard le denier carolingien, le dinero espagnol, ou encore le dinheiro portugais. Aujourd’hui encore, certains pays du Moyen-Orient utilisent le denier comme unité monétaire. Belle postérité pour une monnaie créée il y a plus de deux millénaires !


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