Numismatique Romaine

L’émission du bestiaire de Gallien

Revers d'un antoninien de Gallien présentant Pégase à gauche, et accompagné de la légende SOLI CONS AVG. [© Münzkabinett]
Dernière mise à jour le 13 juillet 2024

Dans la seconde moitié du IIIème siècle après Jésus Christ, l’empire traverse une période de troubles majeurs. L’autorité de l’empereur régnant, Gallien, est remise en cause par des usurpateurs. Gallien, à travers une série monétaire, désignée aujourd’hui comme l’émission du bestiaire, sollicite le secours des dieux. Les monnaies du bestiaire de Gallien présentent des animaux associés à des divinités.

Le contexte de l’émission du bestiaire

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’empire romain a connu des périodes plus calmes que celle sous laquelle a régné Gallien. Vers le milieu du IIIème siècle après Jésus Christ, lorsque Gallien est au pouvoir, les menaces et nuages s’amoncellent au-dessus de Rome.
L’empire est de plus en plus bousculé par les incursions barbares aux frontières. Mais un problème ne venant jamais seul, l’autorité de l’empereur est aussi remise en cause au sein même de l’empire. Plusieurs généraux et gouverneurs sèment le trouble en faisant sédition : au premier rang desquels les usurpateurs Postume puis Aureolus, notamment. Autant de problèmes dont se serait bien passé Gallien, sans doute.

C’est dans cette période fortement troublée que Gallien va émettre une nouvelle une série monétaire sur laquelle seront frappés des animaux de différentes espèces. Les légendes qui leur sont associées montrent que ces animaux représentent des Dieux. Gallien les invoque afin qu’ils lui apportent leurs faveurs et leur soutien dans ses multiples luttes.

Voici dans le détail les animaux et les dieux qui sont figurés sur la fameuse émission monétaire dite « du bestiaire ».

Diane : l’antilope, la biche, le cerf

Chasseresse, Diane est une déesse redoutable. Son courroux s’abat impitoyablement sur ses ennemis. Cette divinité est aussi traditionnellement invoquée comme protectrice de la santé.
Sur les monnaies du bestiaire, les animaux qui permettent de l’identifier sont l’antilope, la gazelle, la biche et le cerf.

Au revers de cette monnaie, la silhouette de cette belle biche marchant à droite et jetant un regard derrière elle se reconnait sans peine. La légende est en revanche plus difficile à déchiffrer : il faut lire DIANAE CONS AVG [© American Numismatic Society]

Au revers de cette monnaie, la silhouette d’une belle biche marchant à droite et jetant un regard derrière elle se reconnait sans peine. La légende est en revanche plus difficile à déchiffrer : il faut lire DIANAE CONS AVG [© American Numismatic Society]

Apollon : le centaure et le griffon

La silhouette d'un centaure, armé d'un arc, orne le revers de cette monnaie, frappée de la légende APOLLINI CONS AVG. [© American Numismatic Society]

La silhouette d’un centaure, armé d’un arc, orne le revers de cette monnaie, frappée de la légende APOLLINI CONS AVG. [© American Numismatic Society]

Apollon est une divinité largement sollicitée par les grecs, mais aussi par les romains. Ce dieu est complémentaire de Diane, dans la mesure où lui aussi se présente comme un gardien protecteur, capable de terrasser ses ennemis avec son arc. Quand Diane veille sur Gallien la nuit, Apollon l’accompagne durant le jour.
Sur les monnaies du bestiaire de Gallien, le centaure et le griffon, deux créatures fantastiques, sont associés à Apollon, qui leur est traditionnellement lié dans de nombreux récits mythologiques.

Sol : Pégase et le taureau

Une belle silhouette de Pégase figure au revers de cet antoninien, accompagné de la légende SOLI CONS AVG. [© Münzkabinett]

Une belle silhouette de Pégase figure au revers de cet antoninien, accompagné de la légende SOLI CONS AVG. [© Münzkabinett]

Le culte de Sol, le dieu Soleil, popularisé notamment par Élagabal au début du IIIème siècle, monte progressivement en puissance du temps de Gallien. Des empereurs plus tardifs développeront encore davantage son culte.
Sur les monnaies du bestiaire de Gallien, Sol est représenté tantôt par Pégase, tantôt par un taureau. Des épisodes mythologiques seraient à l’origine du rapprochement de ces créatures avec la divinité solaire.

Jupiter : la chèvre

Jupiter, roi des dieux, siégeant à l’Olympe, trouve naturellement sa place parmi les divinités invoquées par les monnaies du bestiaire de Gallien. Dans la numismatique romaine, l’aigle est le plus souvent, choisi pour symboliser Jupiter. Mais dans cette série du bestiaire de Gallien, c’est la chèvre qui a été retenue pour symboliser le plus puissant des dieux. Pas n’importe quelle chèvre, toutefois, puisque l’animal fait probablement allusion à un épisode célèbre de la mythologie. Amalthée est en effet la chèvre qui nourrit Zeus enfant. Autre explication possible : la chèvre comptait parmi les animaux traditionnellement offerts en sacrifice au dieu.

Junon : la biche

Épouse de Jupiter, Junon protège les femmes. Son image est aussi largement utilisée pour évoquer la fécondité. Dans cette émission du bestiaire de Gallien, Junon est associée à la biche.

Liber : la panthère

Une panthère à gauche orne le revers de cet antoninien, avec la légende LIBERO P CONS AVG. [© American Numismatic Society]

Une panthère à gauche orne le revers de cet antoninien, avec la légende LIBERO P CONS AVG. [© American Numismatic Society]

Liber Pater, assimilé à Bacchus chez les romains, correspond donc indirectement au Dionysos des grecs. Cette divinité complexe tient une place très particulière parmi les dieux de l’Olympe. Sur les monnaies de la série du bestiaire, Liber est représentée par la panthère. Cet animal évoque un épisode de la jeunesse de Dionysos, tombé aux mains de pirates dont il parvient à se défaire en prenant la forme de ce félin.

Neptune : l’hippocampe

Sur le revers de cet antoninien frappé de la légende NEPTVNO CONS AVG, cette créature fabuleuse n'est autre qu'un hippocampe, mi-cheval mi-poisson. [© American Numismatic Society]

Sur le revers de cet antoninien frappé de la légende NEPTVNO CONS AVG, cette créature fabuleuse n’est autre qu’un hippocampe, mi-cheval mi-poisson. [© American Numismatic Society]

Neptune, équivalent romain du dieu grec Poséidon, frère de Jupiter, règne sans partage sur les mers. Gallien l’évoque probablement sur une partie des monnaies de sa série pour placer sous sa protection la flotte romaine. Poséidon, qui commande à tous les éléments marins, peut à sa guise soulever ou calmer les tempêtes, ou bien imposer aux flots le repos.
La plupart du temps, Neptune est accompagné ou représenté par des dauphins dans la numismatique romaine. C’est toutefois l’hippocampe qui a été choisi pour le symboliser dans cette émission monétaire du bestiaire.

Mercure : le cryocampe

Les raisons de faire appel à Mercure, autre divinité incontournable, assimilée au Hermès grec, sont nombreuses pour Gallien.
Tout d’abord, Mercure étant le dieu des commerçants, on peut penser que l’empereur comptait sur lui pour rétablir le commerce et l’économie.
Les voyageurs plébiscitaient aussi Mercure, et s’adressaient à lui pour faire bonne route. On peut penser qu’en recherchant ses faveurs, Gallien demandait à Mercure de veiller sur lui lors de ses déplacements.
Enfin, Mercure est aussi connu et reconnu comme le messager des dieux. En s’assurant de ses bonnes grâce, Gallien sait que ses requêtes auprès des autres dieux seront transmises et entendues.

L’animal choisi pour représenter Mercure sur les monnaies du bestiaire de Gallien est des plus curieux puisqu’il s’agit du cryocampe. Cette créature fantastique, s’apparentant à un genre de bouc marin, se rencontre assez rarement dans le monnayage romain.

Hercule : le lion et le sanglier

Sur cet antoninien de Gallien, la légende se lit GALLIENVS AVG à l'avers, et HERICVLI CONS AVG au revers. Le héros Hercule est ici appelé au secours, à travers l'image d'un sanglier renvoyant à l'un des célèbres travaux du demi-dieu.

Sur cet antoninien de Gallien, la légende se lit GALLIENVS AVG à l’avers, et HERICVLI CONS AVG au revers. Le héros Hercule est ici appelé au secours, à travers l’image d’un sanglier renvoyant à l’un des célèbres travaux du demi-dieu. [© American Numismatic Society]

Le culte d’Hercule (Héraclès) était largement répandu chez les grecs et les romains. Ce héros que l’on admirait pour sa force légendaire, comptait parmi les plus populaires. Ses aventures étaient connues de tous. Certains empereurs, à l’image de Commode, lui vouaient même un véritable culte, allant jusqu’à se faire représenter en Hercule, paré de ses attributs.

Hercule est apparu très tôt sur les pièces de monnaies romaines, au temps de la République. Le héros y fait des apparitions régulières jusqu’à la fin de l’empire. Au sein de l’émission du bestiaire, deux types de monnaies au moins rappellent clairement le souvenir de deux des douze travaux d’Hercule, et invoquent la force du héros.

Le lion qui figure sur certaines de ces monnaies correspond bien évidemment au Lion de Némée. Hercule parvint à étouffer ce lion qui terrorisait les environs, accomplissant le premier de ses douze travaux. Le héros, après l’avoir tuée, revêtit d‘ailleurs la peau de la bête, réputée impénétrable.

Le sanglier apparaissant sur d’autres monnaies de cette série n’est autre que le sanglier d’Érymanthe. Hercule parvint à le capturer lors du 4ème de ses travaux.

Le lion est l'autre animal associé à Hercule sur les monnaies du bestiaire de Gallien. [© Münzkabinett]

Le lion est l’autre animal associé à Hercule sur les monnaies du bestiaire de Gallien. [© Münzkabinett]


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