Hercule sur les monnaies romaines

Si les exploits mythologiques d’Hercule résonnent encore aujourd’hui, le culte entourant le personnage rayonnait plus encore chez les civilisations antiques, diffusé par les grecs. Les romains, toujours inspirés par leurs voisins, ont repris à bon compte le héros légendaire pour l’honorer. Hercule a donc été intégré au monnayage des romains assez rapidement, et certains empereurs ont choisi de s’appuyer sur son image à des fins de propagande.

Hercule (Heraklès chez les grecs) est une figure de la mythologie antique extrêmement connue et populaire. Même s’il est souvent difficile de les citer tous exhaustivement, tout le monde a en tête les douze travaux menés par le héros. Ses autres faits d’armes, et ses origines mêmes, sont généralement moins connues.

Reprenons ici dans les grandes lignes, le déroulé de la vie du héros, avant de nous intéresser à la façon dont les romains ont utilisé son image à travers leur système monétaire.

Le mythe d’Hercule

Les origines d’Hercule, naissance et premiers exploits

Pour s’unir à une femme nommée Alcmène, qu’il convoitait, Zeus prit l’apparence de son mari Amphitryon avant de se glisser dans sa couche. Ce stratagème lui permit effectivement d’arriver à ses fins puisqu’Alcmène fut dupée. Une fois Zeus parti, le véritable Amphitryon rentra chez lui et s’en suivit une nouvelle étreinte avec Alcmène.
Neuf mois plus tard, Alcmène donnait naissance à de faux jumeaux : Iphiclès, fils d’Amphitryon et Alcide, fils de Zeus. Notre futur Hercule.

Hera, épouse de Zeus, régulièrement trompée par ce mari particulièrement volage, n’en était pas moins extrêmement jalouse et rancunière. Vouant très vite au petit Hercule une haine féroce, elle dépêcha auprès du bébé deux serpents chargés de lui ôter la vie. C’était sans compter sur la force surnaturelle et le caractère impétueux d’Hercule, qui se manifestèrent très tôt, puisqu’il étrangla les deux serpents avec facilité. Une scène restée très populaire dans l’imagerie antique.

Hercule grandit ensuite auprès d’Amphitryon, mais son comportement fougueux et violent incite toutefois ce dernier à l’éloigner quelque peu. Il lui confie alors la surveillance des troupeaux, aux pâturages.
Lorsqu’il est âgé de dix huit ans, le roi Thespios le fait venir à ses côtés. Il a pour projet d’unir Hercules à ses cinquante filles, rien que ça. De ces unions multiples, naissent 51 petits enfants.

Les douze travaux d’Hercule

Héraclès prend toutefois pour épouse Mégare, la fille d’un autre roi : Créon. D’elle, il a d’autres enfants. Hera fourbit toutefois sa vengeance et le fait ensorceler par Iris et Lyssa, qu’elle dépêche aux côtés du héros pour lui jeter un mauvais sort. Sous l’emprise de la folie, Hercule tue ses enfants. Lorsqu’il reprend ses esprit, il ne peut que constater l’horreur de son crime.

Saisi d’effroi, Hercule songe alors au suicide. Thésée le convainc toutefois de se rendre à Delphes, en vue de chercher auprès du fameux oracle une façon d’expier son crime. La Pythie lui explique alors qu’il doit rendre visite à son cousin, le roi Eurysthée, et s’acquitter des tâches que celui-ci lui confiera. Ces travaux, initialement au nombre de dix, sont supposés hors de portée des mortels.

1. Vaincre le Lion de Némée
   Hercule étrangle de ses mains ce lion dont il récupère ensuite la peau, réputée impénétrable, pour s’en revêtir. La léonté devient un de ses attributs.
2. Tuer l’Hydre de Lerne
   Hercule parvient à vaincre cette créature marécageuse aux multiples têtes. Il en profite pour tremper ses flèches dans le sang de la bête et les empoisonner.
3. Capturer la biche de Cérynie
   Hercule course cette biche aux sabots d’airain durant une année entière, avant de s’en saisir.
4. Capturer le sanglier d’Erymanthe
   Hercule ramène à Eurysthée cette énorme bête qui effrayait les habitants du mont Erymanthe.
5. Nettoyer les écuries d’Augias
   Hercule parvient à nettoyer ces immenses écuries en détournant des eaux fluviales, qui les débarrassent de leurs immondices.
6. Tuer les oiseaux du lac de Stymphale
   Hercule tue un bon nombre de ces oiseaux avides de chair humaine et chasse le reste en les effrayant à grands bruits.
7. Capturer le taureau de Minos
   Le héros saisit le taureaux crétois par les cornes et maitrisa ce dangereux animal, qu’il ramena vivant à Eurysthée.
8. Capturer les juments mangeuses d’hommes du roi Diomède
   Hercule se débarrasse de Diomède, roi de Thrace, en le donnant à manger à ses quatre juments, nourries jusqu’à présent par la chair des invités du roi.
9. Ramener la ceinture d’or de la reine des Amazones
   Hippolyte, reine des amazones, charmée par le héros, remet facilement sa ceinture à Hercule. L’objet est convoité par la fille d’Eurysthée. Héra sème la zizanie et Hippolyte trouve malheureusement la mort au cours de cet épisode.
10. Voler les boeufs du monstre Géryon
    Hercule élimine les gardiens du troupeau, parmi lesquels le frère de Cerbère, avant de tuer Géryon lui-même à l’aide de ses flèches empoisonnées.
11. Cueillir les pommes d’or du jardin des Hespérides
    Hercule ruse et envoie le titan Atlas récupérer les fruits à sa place, pendant que le héros soutient la voûte du monde.
12. Ramener Cerbère, le chien à trois têtes gardien des enfers
    Hercule descend aux enfers où il capture Cerbère, le chien à trois têtes, qu’il ramène à Eurysthée.

Il était initialement convenu qu’Hercule réalise 10 travaux. Mais le roi Eurysthée refusa de valider deux des épreuves. En effet Hercule fût épaulé par son neveu dans son combat contre l’hydre de Lerne. Et il fut rétribué pour nettoyer les écuries d’Augias. Eurysthée y trouva prétexte à annuler ces épreuves, qui furent donc remplacées par de nouvelles.

Aux douze travaux, s’ajoute une très longue liste d’exploits en tous genres, opérés dans diverses régions. Beaucoup d’entre eux sont d’ailleurs liés directement à certains des travaux accomplis par le héros. Quelques-uns de ces hauts faits se présentent comme des expéditions vengeresses.

Hercule aura de multiples épouses et d’innombrables enfants, tout au long de sa vie extrêmement mouvementée.

Mort d’Hercule, qui rejoint les dieux de l’Olympe

Celle ci prend fin suite à un épisode qui voit Hercule, en compagnie de Déjanire, sa dernière femme, franchir le fleuve Evénos. Un centaure, nommé Nessos, propose de porter Déjanire jusqu’à l’autre rive, pendant qu’Hercule traversera à la nage. Parvenu de l’autre côté, Hercule découvre les mauvaises intentions de Nessos, cherchant à abuser de Déjanire. Le héros blesse alors mortellement le centaure avec une flèche empoisonnée, imbibée du sang de l’hydre de Lerne. Avant d’expirer, Nessos conseille à l’épouse d’Hercule de recueillir son sang, elle pourra en faire un filtre d’amour qui lui assurera la fidélité du héros.

Plus tard, alors qu’Hercule s’éprend de Iole, fille du roi Eurytos, Déjanire faire remettre à Hercule une tunique enduite du sang du centaure. Mais celui-ci est souillé par le poison de l’Hydre de Lerne, et la tunique qu’enfile Hercule le brûle affreusement. Il ne parvient pas à s’en défaire sans s’arracher la peau. La douleur est telle qu’Hercule demande à Hyllos, le fils qu’il a eu de Déjanire, de préparer un bûcher sur le mont Œta. Le héros, en proie à de vives souffrances, finit par s’y immoler. Déjanire, comprenant trop tard qu’elle a été dupée par Nessos, met fin à ses jours.

La vie terrestre d’Hercule s’achève dans ces circonstances tragiques. Son père Zeus le fait alors rejoindre les autres dieux de l’Olympe où il devient l’un d’entre eux, après avoir gagné l’immortalité. Il se réconcilie alors avec Héra, qui aura cherché à lui nuire toute sa vie. Hercule épouse d’ailleurs sa fille Hébé, déesse de la jeunesse, dont il aura deux nouveaux enfants.

La force colossale d’Hercule et son parcours jalonné d’exploits lui valent une renommée incomparable. Il est connu de tous dans l’antiquité. Le mythe développé autour du demi-dieu se diffuse et se répand dans tout le bassin méditerranéen, porté par la Grèce et ses colonies, jusqu’aux confins du monde connu à l’époque. Les compagnons d’Alexandre contribueront notamment à le faire connaître dans les contrées lointaines, qu’ils traversent lors de leur interminable périple. Le culte d’Hercule sera adopté et repris localement.

Hercule sur le monnayage romain

Du temps de la République

A Rome, comme dans le monde grec, le héros connaît une énorme popularité. Toutes les couches de la population cherchaient à s’attirer les bonnes grâces d’Hercule et lui rendaient hommage.

Hercule est très tôt représenté sur le monnayage romain. Ses premières apparitions remontent ainsi au IIIème siècle avant Jésus Christ, où sa figure orne le revers de monnaies d’argent. Au cours des siècles suivants, son image est reprise sur des monnaies de différents types et de différentes valeurs.

Le mythe d’Hercule se retrouve également sur les revers des deniers républicains, à travers des scènes empruntées notamment aux douze travaux.

Dans les derniers temps de la République, sous le second triumvirat, Marc Antoine, vainqueur avec Octave des assassins de Jules César fait frapper des aureus représentant Hercule sur leur revers. La carrure de Marc Antoine lui valait souvent d’être comparé au demi dieu.

Une présence constante sous l’Empire

Les magistrats et personnages importants, puis les empereurs eux-mêmes, se plaisent à associer Hercule à leur image, afin d’endosser la puissance légendaire du héros, et de se positionner en protecteurs de l’empire. Certains d’entre eux n’ont pas hésité à se comparer directement à lui.

Néron, empereur quelque peu mégalo, se voulait souvent l’égal des dieux, dans tous les domaines possibles, artistiques ou athlétiques. Sur ce dernier plan, il aimait s’associer à Hercule, représenté sur plusieurs de ses monnaies.

Au second siècle après Jésus Christ, sous le règne de Trajan, Hercule est largement présent sur les différents modules du système monétaire en vigueur. Les conquêtes importantes de Trajan, ainsi que son parcours personnel, lui valent en effet d’être comparé au héros. Il met ce rapprochement en lumière, avec plus ou moins de subtilité, sur les monnaies qu’il fait frapper.

Commode, l’Hercule romain

Mais c’est probablement Commodequi fut l’un des empereurs les plus fascinés par Hercule, au point de chercher à s’identifier tout à fait à lui. Convaincu qu’il incarne le héros, Commode va jusqu’à se présenter en public vêtu d’une peau de lion et portant une masse. Une célèbre statue visible au musée du Capitole à Rome, montre d’ailleurs l’empereur portant les attributs du héros.

Etre le fils de Marc-Aurèle, l’un des meilleurs empereurs qui ait jamais régné, n’est pas assez à ses yeux. Commode se rêve plutôt en Hercule, fils de Jupiter. Peu attiré par les conquêtes militaires, l’empereur préfère les combats et les jeux du cirque. Il cherchera même à changer le nom de certains mois pour les rapprocher du mythe d’Hercule.
Très logiquement, Hercule apparaît sur de très nombreuses monnaies frappées par Commode.

Périodes de trouble

Hercule est particulièrement sollicité durant les périodes troubles. Au milieu du IIIème siècle, dans un contexte où les révoltes et les séditions sont nombreuses, Gallien fait régulièrement appel au héros sur ses émissions de monnaies pour fédérer les troupes. Il n’hésite pas à représenter le héros sur ses monnaies, où à se présenter sous ses traits, pour mieux faire sienne la puissance protectrice de la figure légendaire.

Son rival, l’usurpateur Postume, empereur des Gaules, a lui aussi recours au héros de la mythologie qui figure largement sur ses émissions de monnaies. Posthume fait frapper une très belle série monétaire avec des revers correspondant aux 12 travaux d’Hercule. Il ne rechigne pas non plus à porter les attributs du héros.

Dans les derniers siècles de l’empire

A la fin du même siècle, Dioclétien élève Maximien au rang de co-empereur. Le premier revêt le surnom de Jupiter ; le second, celui d’Hercule. Soucieux de souligner et de renforcer encore son association au héros, Maximien n’hésitera pas à émettre une série de monnaies sur laquelle il revêt les attributs d’Hercule. Les douze travaux font également l’objet d’une nouvelle série monétaire.

Après quelques apparitions sur le monnayage de Constantin, les représentations d’Hercule se raréfient. Les symboles chrétiens prennent le pas et se substituent peu à peu à l’ensemble des figures païennes dans l’iconographie et le monnayage romain.